N°1: Histoire du domaine de Nolet
Il y a quelques années, j’ai voulu retrouver l’histoire de mes ancêtres, c’est ainsi que j’ai reconstitué le parcours de mon arrière grand-père, Paolo Paolpi venu en France en 1924. A la fin de l’année 1935, il fût embauché pour gérer la laiterie du domaine de Nolet. J’ai donc tenté de faire évoluer la jolie histoire de Nolet et d’inviter aux voyages tous ceux qui voudront bien me lire.
Je me suis intéressé à ce lieu empreint de romantisme, de poésie et j’ai été touché par les nombreux témoignages des personnages qui y ont vécu. Le site tel que nous le connaissons aujourd’hui est presque essentiellement réduit à son château et son parc.
Son histoire est partagée entre deux départements le Tarn-et-Garonne et la Haute-Garonne qui le borde de nos jours. Le domaine de Nolet est situé dans le village d’Aucamville à l’écart des voies de communication les plus empruntées, conséquence de l’ouverture en 1982 de l’autoroute Toulouse-Bordeaux via le Tarn-et-Garonne en contre-bas du château et, de ce fait, méconnu du grand public. Nolet est pourtant connu de la population locale car beaucoup ont travaillé ou fait les saisons dans les vergers, dans sa laiterie en participant à l’entretien du vaste domaine et en contribuant à son activité. Le château de Nolet actuel, qui appartenait au marquis Henry Hyacinthe de Panât, principal commanditaire de l’édifice et son épouse Marie-Narbonne-Lara, était encore il y a peu de temps réduit à quelques corps de bâtiments et à un château du style typiquement Napoléon III abandonnés. Le lieu vaut pour son cadre dans un magnifique parc et aussi pour les souvenirs qui s’y attache : ceux de Jean et Bernard de Nolet, Mathieu-Louis Hocquart, le marquis de Panât Samuel de Castelpers, hommes de lettres, d’esprit et de cœur.
Tableau des propriétaires du domaine de Nolet:
Siècle d’acquisition |
Propriétaires |
Autres Propriétaires
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XVIème |
Jehan Nolet, Capitoul |
Catherine Assolent |
XVIème |
Jean de Nolet
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Anne de Forès |
XVIIème |
Jacques de Nolet
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Marguerite de Fieubet |
XVIIIème
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Bernard de Nolet |
Marguerite de Pavie de Fourqueveaux |
XVIIIème |
Isabeau de Nolet
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J-J des Ezgaulx |
Fin XVIIIème |
Famille des Ezgaulx / Desegaulx de Nolet |
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Année d’acquisition |
Propriétaires |
Autres propriétaires
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1820 |
Mathieu-Louis Hocquart |
Dame Delsuc de Cassagne |
1843 |
Eléonore Hocquart |
Vicomte Philippe de Castelpers de Panât |
1850 |
Marquis Hyacinthe de Castelpers de Panât |
Marie Narbonne-Lara |
1859 |
Marie-Narbonne-Lara |
Vicomte Philippe de Panât |
1860 |
Marie Narbonne-Lara |
Marquis Léopold de Panât |
1885 |
Marquis Samuel de Panât |
Marie Narbonne-Lara |
1904 |
Marquis Samuel de Panât |
Marguerite Salles de Panât |
1916 |
Marguerite Salles de Panât |
Aymeric et Simone de Panât |
1919 |
Charles de La Luz Veyan |
Eugénie Nielly de la Luz Veyan |
1924 |
Dominique Brizio |
Charles Barbera |
1930 |
Madeleine Fockedey-Morel |
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1933 |
Jose Soler Puig |
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1936 |
Altesse Sérénissime Princesse de Ligne |
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1941 |
Robert Germain |
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1986 |
Catherine Chini-Germain |
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1996 |
Famille Cantoni |
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1999 |
Domaine saisi par une banque Suisse |
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2012 |
Famille Joubert -Melotte |
Les premiers seigneurs
L’histoire du domaine de Nolet est peu connue, bien qu’une étude locale affirme que le site fut occupé dès l’époque gallo-romaine. On trouva des ruines de villas romaines à Nolet et Rabaud sur le bord du ruisseau Saint-Pierre.
D’autres découvertes de divers objets montrent une occupation diversifiée de Nolet. À l’occasion de plantations faites par Edmond Salles, ingénieur des Ponts et Chaussée de Toulouse en retraite, membre du comité du musée Saint-Raymond et beau-père du marquis de Panât Samuel Brunet de Castelpers, au domaine de Nolet, une note laconique fait état de la mise au jour sur une vaste étendue de terre, à la fin du XIXème siècle, d’une série de médailles, des deniers d’Auguste, remontants à la colonie de Nîmes, des ceinturons, des lances, des poignards, des sépultures de l’époque mérovingienne, assez nombreuses pour pouvoir établir que le site fut le témoin de grandes batailles.
Au hasard des travaux réalisés, une francisque, une hache d’arme, des amphores ont été révélées au XXème siècle et, près du château, un puits de 20 mètres de profondeur découvert lors de creusées supervisées par Henri Ollivier, directeur du domaine de Nolet à partir de 1980, s’est avéré d’origine romaine.
Le fort Emboysson du XVIème siècle
On rapporte que le château actuel construit en 1862 succède à d’autres constructions. A défaut de représentation graphique, l’existence d’un autre château au XVIème siècle est attestée et il faut se contenter des descriptions établies dans les archives de délibération du Consul de Grenade qu’il est possible de consulter aux archives de la Haute-Garonne. Nous ne savons que très peu de chose du château initial ; selon l’Abbé Firmin Galabert, personnage à qui l’on doit la monographie d’Aucamville, le domaine de Nolet était avant tout une ancienne seigneurie appelé Emboysson et un lieu de rendez-vous pour les paysans qui cultivaient les terres. Le nom « Emboysson » pourrait venir de la famille précédente qui avait acquis le domaine. Nolet était une exploitation agricole constituée d’une maison fortifiée. L’ensemble qualifié aussi de « fort de Nolet » était utilisé pour stocker les récoltes.
Du commerce au capitoulat entre le XVème et XVIème siècle
D’après les archives, le propriétaire était Jean de Nolet, époux d’Anne de Forès et fils de Jehan Nolet, un riche marchand négociant, qui épousa Catherine Assolent et fit fortune dans le commerce de l’or bleu « le pastel » tenant boutique dès 1512 dans ses maisons de la rue des Grazaliers (rue des Tourneurs de nos jours). La famille Nolet est liée à l'histoire de Toulouse et à celle de ses magnifiques hôtels de style renaissances. Ce sont, en effet, les Nolet, riches bourgeois, tout comme les Assezat, les Rudelles, qui vraisemblablement constituèrent dans le courant du XVIe siècle une puissante entité foncière à Toulouse et servit à reconstruire une Toulouse plus belle, celles que nous admirons aujourd’hui. Ces généreux mécènes soutenaient les architectes, sculpteurs, et décorateurs et tout le mouvement intellectuel, lié au progrès de l’imprimerie et à la multiplication des fêtes publiques ou privées. C’est avant tout une jeunesse vibrante qui se presse au Jeux Floraux et dans tous les cénacles lettrés de la ville. Ce sont les Nolet qui firent édifier un château au XVIème siècle et qui apportèrent leur nom à la seigneurie d’Emboysson à Aucamville non loin de la ville sur des terres alluviales en bord de la Save et propices à l'exploitation.
Liste des Mainteneurs des Jeux Floraux qui ont résidé au domaine de Nolet :
1723 : Bernard de Nolet
1694: Joseph de Nolet
1806 : Mathieu-Louis Hocquart
1951 et 1960 : Philippe de Panât
1904 : Samuel de Panât
Un nouveau nom pour un nouveau statut
Jehan Nolet fut successivement marchand, Capitoul, maître des eaux et forêt de Toulouse et fermier de la traite foraine, poste qui permettait de contrôler l’arrivée des marchandises dans la région à une époque où existaient encore les frontières intérieures dans le pays. Il fût élu Capitoul de Toulouse par les habitants du quartier Saint-Pierre et Saint-Géraud en novembre 1500. Il prit sa fonction en décembre et cette dernière lui permit d’être anobli de plus son nom fut rétroactivement modifié pour passer « Nolet » en " de Nolet". Il n'y a plus de représentation de Jehan de Nolet dans les annales car une partie des signes et des titres de noblesse ont été détruites le 10 août 1793. "En effet une disposition du décret du 17 juillet 1793, qui abolit les derniers vestiges du régime féodal, obligeait tous les détenteurs de titres relatifs à cette organisation de la propriété foncière, d’emblèmes féodaux, tableaux capitulaires… à s’en dessaisir. Ils devaient dans un délai de trois mois en faire l’abandon entre les mains d’un agent de la municipalité pour être détruite. Mais la municipalité de Toulouse n’avait pas cru que les feuilles de portraits capitulaires des livres de l’histoire dussent être atteintes par la loi. Mais au mois d’août 1793, le commissaire extraordinaire, Maré Antoine Baudot, député de Saône et Loire envoyé par un décret de la Convention Nationale en visite dans la région constata que les registres des annales n’avaient pas été détruites. Il s’indigna et se rendit à l’Assemblée de la Société Populaire pour y proposer entre autre de les faires brûler le jour du 10 août. La proposition fut adoptée".
Première partie de l’enluminure de 1500-1501 avec une représentation au bas de la page de quatre des huit Capitouls élus en novembre 1500. L'autre partie de la planche avec la représentation de Jehan de Nolet a été détruite le 10 août 1793.
Liste des Capitouls élus pour un an, en novembre 1500 :
Jacques Portier (bourgeois), Guillaume Puget (avocat au Parlement), Jean Roguier, Jean de Saint-Pol (bourgeois), Jehan Nolet (marchand), Jean Manec, André Joan et Guillaume Secondis (notaire)
Pour les marchands, avocats ou médecins, devenir Capitoul permettait d’être anobli, ce qui leur donnait le droit également de construire une tour au-dessus de leur hôtel particulier : hôtel Nolet, situé 7 rue des Arts à Toulouse, hôtel de Bernuy (lycée Fermat), hôtel d’Assézat …Chaque famille ajoutait sa pierre à l’édifice en ornant leurs hôtels de gargouilles, de médaillons et de leurs armoiries.
Ancien hôtel et résidence de Jean de Nolet avec sa tourelle du XVIème siècle, situé 7 rue des Arts à Toulouse.
La chute du pastel et ses conséquences
Au milieu du XVIème siècle, le commerce du pastel chute au profit d'une nouvelle matière colorante l'indigo, préféré au pastel, mais c'est également la conséquence de trois années successives d'intempéries qui entrainèrent de très mauvaise récoltes du pastel. Le fils de Jehan de Nolet, Jean de Nolet renonça au négoce que pour de lucratifs offices. Ses offices accrurent encore son patrimoine et il occupa le poste de greffier criminel à la cour du Parlement de Toulouse. Il avait manifesté sa richesse dans la pierre et acheta en 1542 un hôtel aux héritiers de Jehan de Pins, décédé en 1537 qui deviendra « l’hôtel de Nolet » puis « l’hôtel Antonin », situé rue du Languedoc à Toulouse et réalisé par l’architecte Nicolas Bachelier sur commande de l’Evêque de Rieux, Jehan de Pins au XIVème siècle. C’est avec ce même architecte que Jean de Nolet entreprend de le faire restaurer, transformer et agrandir. Un bail à besogne daté du 20 juillet 1542 est passé pour faire édifier une grande boutique ou comptoir sur cave et un passage d'entrée sur la rue. En 1545, un nouveau bail à besogne est passé pour la réalisation de gargouilles et de fenêtres. L’hôtel passera ensuite en indivis à ses héritiers, parmi lesquels son fils Jacques de Nolet, conseiller au Sénéchal.
L'ancien hôtel de Jean de Pins, puis Jean de Nolet au milieu XVIème siècle, puis hôtel Antonin, situé rue du Languedoc à Toulouse
Les médaillons d’angle couronnés du milieu du XVIème siècle représentant le blason de Jean de Nolet et sur le deuxième un visage de profil que l’on peut découvrir sous les arcades du rez-de-chaussée de l’hôtel de Pins, ancien hôtel Nolet à Toulouse.
Le patrimoine Toulousain et ses nombreux hôtels de la Renaissance
Les dispositifs mis en place par le Consul de Grenade pour le domaine de Nolet
De 1562 à 1563, un conflit entre catholiques et protestants atteint son apogée et le 7 novembre à Grenade-sur-Garonne où sous la conduite de prêtres catholiques, une bande met à mort plus de trente personnes, hommes, femmes, enfants. Le contexte est difficile, les exécutions continuent et désormais la fracture de la société en deux blocs que tout oppose semble irrémédiable. L’autorité monarchique se montre impuissante, chacun est acculé à se ranger dans une des deux Eglises et donc amené à s’affronter. Le 8 février 1587, 200 soldats Huguenots ont passé la Garonne pour aller en Gascogne, rien ne semble pouvoir enrayer la guerre à laquelle chacun se prépare…Depuis environ 1582, Grenade recevait et entretenait des gens d’armes qui parcouraient le pays et séjournaient pendant des semaines entières au grand détriment des ressources de la ville s’épuisant petit à petit. Une épidémie de peste fit son apparition depuis Toulouse et c’est ainsi que la contagion fut précédée d’un grand mouvement des troupes royales poursuivant les Huguenotes. La ville de Grenade mit en place des dispositifs pour se protéger d’éventuelles attaques et le Parlement de Toulouse tenta de freiner l’épidémie de peste qui s’abattait dans la région en votant un arrêter rendu sur requête des bails des chirurgiens qui enjoint aux Capitouls de verser 300 livres par an à chacun des chirurgiens chargés de visiter et de soigner les malades atteints de la peste au domaine de Nolet. .
Nolet avant-garde de Grenade et d’Aucamville
La ville d’Aucamville étant en partie sous la juridiction de Grenade, le site de Nolet était un site stratégique pour la défense de ces deux villes et permettait de veiller sur les confins de la Garonne et de la Gascogne. Malgré tout, il pouvait à l’inverse devenir un lieu privilégié pour des assaillants avides de conquêtes, voulant se jeter sur la ville de Grenade. En 1587, le château isolé du domaine de Nolet appelé « château Emboysson » appartenait à Anne de Forès, veuve de Jean de Nolet décédé en 1551. Le 9 avril de cette même année, à leur grand désespoir, les populations paysannes sont les principales victimes des incendies et des pillages. Le 5 avril 1587, la ferme de Nolet et son fort menacés d’une attaque est protégée sur ordre du Consul de Grenade et avec le consentement d’Anne de Forès par douze soldats à ses frais, afin de lutter contre les bandes armées qui causaient de nombreux troubles dans la région ou bien les défenses étaient abattues, afin que l’ennemi ne puisse pas s’y loger. C’était la meilleure dissuasion contre des bandes dépourvues d’engin de siège. Mais, le 12 avril, on ne laissa que quatre ou cinq soldats de garnisons au frais du propriétaire Anne de Forès.
Destruction des fortifications d’Emboysson
En 1589, craignant les attaques du marquis de Villars arrivé à Aucamville avec son armée, d’où il allait assiéger Samathan, détenu par les Huguenots (protestants), le Consul de Grenade délibéra et les élus vinrent au devant de lui pour « lui faire la révérence ». Le 29 avril 1590, craignant à présent les attaques des réformés, le procureur du Roi condamna les propriétaires des maisons fortes suivantes : Nolet, Laplagne, Nogerolles, Darnailh, Rochefort, Capus et de Laplagne à combler les fossés, démolir leur fortifications jusqu'à les rendre inhabitables, de même que les murs qui sont aux environs de la ville de Grenade, ce qui aurait permis aux assaillants de se jeter sur Grenade. Rien ne subsista de cette période si ce n’est le nom que Jehan de Nolet a laissé au domaine. Ce site devint le fief de la famille Nolet à Aucamville et s’inscrit pour toujours dans la géographie et l’histoire de la commune.
Le mariage de Jacques de Nolet et Marguerite de Fieubet
Les Nolet sont de riches bourgeois qui aspirent à la noblesse, or la noblesse c’est la terre, il leur faut donc un domaine avec un nouveau château qui signera leur appartenance à la noblesse, ce château, symbole de défense mais aussi de contrôle de son territoire : une noblesse fondée sur l’oligarchie toulousaine par ses mariages, le négoce puis sur les offices qui sont avec le Capitoulat à Toulouse les moyens d’accéder à la noblesse. La reconstruction d’un château au domaine des Nolet s’impose afin de signifier sa puissance dans la région. Anne de Forès fait reconstruire son château jusqu'à son dernier sou. Son fils Jacques de Nolet, fils de Jean de Nolet, revend dans un premier temps un de ses hôtels rue des Hunheyres à Toulouse et conserve jusqu’en 1571 un hôtel qu’il avait acquis par indivis de son père, situé 45 rue des Tourneurs à Toulouse.Vraisemblablement, c'est à cette période que le nouveau château fut reconstruit à Nolet et portera le nom « château de Nolet », du nom de la famille qui s’y installe.
La noblesse n’est pas un groupe fermé, mais l’admission dans un ordre est rigoureusement contrôlée. De nombreuses alliances matrimoniales à l’intérieur de ce même ordre assurent une plus grande cohésion de l’ensemble. Jacques de Nolet, conseiller au Sénéchal puis avocat au Parlement de Toulouse, épousa Marguerite Fieubet, fille de Jacquette de Madron et d’Arnaud de Fieubet, greffier au diocèse de Toulouse et secrétaire des Etats du Languedoc. Un de ses frères Gaspard Fieubet, fut le fondateur de l'Hospice de Castanet, le fils de Gaspard portant un prénom identique était très apprécié à la cour de Versailles. Son autre frère, Guillaume de Fieubet, était avocat général, conseiller d’Etat privé, Président à la Cour du Parlement de Toulouse. Dès 1614, Marguerite de Fieubet, veuve de Jacques de Nolet agit au nom de son frère Gaspard, qui vit à Paris et dont elle habite la maison à Merville. Elle représente le trésorier de l’épargne en toutes occasions ; c’est elle qui a « la direction des affaires de la famille » à Toulouse, bien plus que son autre frère Bernard, le secrétaire des Etats de Languedoc. L’alliance des deux familles, Nolet et Fieubet a son importance car elle fait rentrer dans la cour des plus grands la famille Nolet. L’avenir de la famille Nolet fut assuré par leur investissement dans la pierre et pérennisé par la naissance de leur fils Bernard de Nolet qui fut trésorier général de Toulouse.
Gaspard de Fieubet, Conseiller du Roi Louis XIV et neveu de Marguerite de Nolet. (Musée de Versailles et Musée du Louvre)
Bernard de Nolet, un homme de lettres et d’esprit
Au XVIIème siècle, Bernard de Nolet épousa Marguerite de Pavie de Fourqueveaux. Le couple vivait peu à Nolet car le château familial n’était probablement qu’un lieu de passage. La famille de Nolet était devenue une noblesse dite de « robe » et « urbaine ». A Grenade, ils étaient propriétaires de « l’hôtel du Dauphin », situé rue de la Croix Blanche. A Toulouse, ils étaient propriétaires d’hôtels et chacun d’eux prenait l’appellation « hôtel de Nolet » du nom du maître des lieux. L’un d’entre eux, l’ancien hôtel Baichère à Toulouse réalisé en brique foraine, appartenait à la famille (de) Nolet. Il était composé d’une cour, des élévations, d’une galerie à arcades et d’une tourelle qui correspond à l’ancien logis du Capitoul Jehan de Nolet. Ses descendants se succédèrent par la suite.
Perpétuant la tradition familiale, Bernard de Nolet partageait ses loisirs entre la culture des lettres et l’étude de la musique, art dans lequel il excellait. On rapporte qu’il réunissait les Lanterniers de Toulouse, ancien nom donné aux membres de l’Académie des belles lettres de Toulouse et les membres de l’Académie des Jeux Floraux dans les salons de son hôtel. Ce lieu témoigne de la grande passion des grandes familles pour l’architecture. Bernard de Nolet a eu deux fils avec Marguerite de Pavie-de Fourqueveaux, Jean-François de Nolet (1670-1735) et Joseph de Nolet né en 1653 et nommé Mainteneur de l’Académie des Jeux floraux en 1694, il mourut en 1713. Ils furent tous deux comme leur père trésorier général de France au Bureau des Finances de Toulouse.
Le procès de Bernard Nolet pour la noblesse de Nodery en 1721
En 1721, un long procès est entamé entre la communauté d’Aucamville et le propriétaire du château de Nolet, Bernard de Nolet, trésorier de France au bureau des finances à Toulouse, au sujet de la noblesse de la métairie de la boutique de Nodery, accolée au domaine de Nolet. Bernard de Nolet apporta la preuve que son arrière grand-père fut Capitoul de Toulouse. De plus, il bénéficiait d’appuis influents par sa fonction de trésorier général et sa position de Mainteneur des Jeux Floraux, un cercle de poètes constitué de notables régionaux. Bernard de Nolet gagna le procès et fît reconnaître la terre de Nodery comme « une terre nobiliaire » grâce à l’intervention de son ami marquis d’Escars. Cette décision place la famille de Nolet au rang prestigieux de famille privilégiée de la région. Néanmoins, ce procès se finit par une transaction en 1723, cette même année il fut élu Mainteneur de l’académie des Jeux Floraux. Le 23 juillet 1724, soucieux du sort de la communauté de sa seigneurie, Bernard de Nolet s’oppose à l’augmentation des charges contre la population, devant la trésorerie de France. Il mourut en 1723.
Le mariage de l’écuyer Jean-Jacques Ezgaulx avec Isabeau de Nolet
Six générations après Jean de Nolet, Isabeau de Nolet épousa en 1705 l’écuyer Jean-Jacques Ezgaulx.
Le 27 février 1709, les Capitouls de Toulouse accordèrent à « messire » Jean Jacques Ezgaulx, écuyer, la décharge de l’imposition de la taille personnelle, sur présentation de ses actes de noblesse. Un nouveau membre dans la noblesse n’est admis que s’il répond à des critères généalogiques et économiques ; il jouira de privilèges mais devra aussi assumer des charges. Et surtout, chaque ordre répertorie soigneusement ses membres car il n’est pas question de s’imposer à l’opinion par une vague réputation et de se faire admettre sans le consentement de ses pairs. Le quartier situé à l’extrémité du faubourg Saint-Michel de Toulouse où habitait également une partie de cette famille avait conservé un temps le nom "quartier Ezgaulx".
Les Desegaulx de Nolet
Au XVIIIème siècle, une nouvelle branche de la famille Ezgaulx, les Desegaulx de Nolet, a été créée par Jean-Joseph Desegaulx de Nolet, procureur du Roi aux Départements des Eaux et forêts entre 1706 et 1756. Il fut donc le premier à faire usage du nouveau nom. Cette famille a émigré sur Verdun et Bordeaux. La seigneurie Desegaulx de Nolet apparentée avec Jean de Nolet est citée depuis le 27 février 1709. Elle s’est illustrée en donnant à la France plusieurs fils s’étant distingués au sein d’un des plus prestigieux Ordre, celui de la « noblesse d’épée », celui de l’armée Royale.
Les plus connus étant ceux-ci : Jean Joseph Augustin Desegaulx de Nolet, né au château de Nolet en 1752 et décédé le 28 mars 1842 (en 1790, il s’était distingué en tant que lieutenant du 1er régiment de Grenoble-artillerie et fût anobli chevalier Saint-Louis) ; Jean Desegaulx, commandant de la garde nationale d’Aucamville ou encore Alexandre Desegaulx de Nolet, né en 1804, élu Maire de Grenade de 1830 à1831 et décédé en 1872.
Blason des Desegaulx de Nolet: coiffé d'une couronne comtale et constitué de l'écusson de la famille "Ezgaulx" et de l'écusson de la famille "de Nolet"
La plainte des habitants de Grisolles
En 1768, le domaine des Ezgaulx est subdivisé en plusieurs métairies disposant chacune d’une dizaine d’hectares : métairie de Nolet, de Nodery, de Cassagne, Rabaud…
Les seigneurs des Ezgaulx devaient compter avec l’évolution de la propriété foncière et de l’exploitation agricole marquées par l’emprise de la propriété roturière. Les des Ezgaulx accordaient de l’intérêt au domaine puisqu’ils utilisaient tous les moyens pour l’accroître même parfois aux détriments des autres. Mais la terre est astreinte au paiement d’une redevance annuelle et de taxes en cas de mutations. Une plainte est déposée en 1769 auprès des commissaires des Etats du Languedoc par les habitants de Grisolles contre les propriétaires du château de Nolet, les des Ezgaulx père et fils. Les habitants de Grisolles reprochaient aux des Ezgaulx les inondations et éboulements sur leurs terres et les dégâts subit le 20 et 21 janvier 1768 occasionnés par les travaux d’agrandissement effectués sur la rive gauche de la Garonne. Les plaignants reprochaient également au « Fieur » des Ezgaulx d’étendre ses terres illégalement sur la Garonne et de ne pas en payer les taxes.
Les Desegaulx de Nolet
La seigneurie Desegaulx de Nolet apparentée avec Jean de Nolet est citée depuis le 27 février 1709.Au XVIIIème siècle, une nouvelle branche de la famille Ezgaulx, les Desegaulx de Nolet, a été créée par Jean-Joseph Ezgaulx de Nolet, procureur du Roi aux Départements des Eaux et forêts entre 1706 et 1755. Il fut donc le premier à faire usage du nouveau nom Desegaulx de Nolet. Jean-Joseph Desegaulx de Nolet décéda en 1955, en laissant un fils, Jean-François Henri Bonaventure, âgé de dix ans. Le couple tuteur de l’enfant chargé de restituer l’héritage de l’enfant à sa majorité, aurait paraît-il vendu une partie des biens de la famille puis fuit en Afrique.
Les Desegaulx de Nolet ont émigrés sur Verdun, Bordeaux et dans les Ardennes. Cette famille s’est illustrée en donnant à la France plusieurs fils s’étant distingués au sein de l’Ordre le plus prestigieux, celui de la « noblesse d’épée », celui de l’armée Royale. Jean-Bernard Elie était, commandant de la Garde Nationale d’Aucamville. Ses deux frères rejoignirent l’armée Royale également Jean Joseph Augustin Desegaulx de Nolet, né au château de Nolet en 1752, qui s’était distingué en 1790, en tant que lieutenant du 1er régiment de Grenoble-artillerie et fût anobli chevalier Saint-Louis et Jean Desegaulx de Nolet, maréchal des Logis en chef au 15ème régiment de dragons. Un autre Desegaulx de Nolet, Alexandre, né en 1804, fut élu Maire de Grenade en 1830. Il existe toujours à Grenade une pierre tombale, refaite intégralement au début de l’année 2013 à la mémoire de cette famille.
Un patrimoine immense
Les Nolet, Ezgaulx, Desegaulx, Desegaulx de Nolet avaient accumulé un vaste patrimoine dans la région par leurs terres, leurs hôtels particuliers à Toulouse et à Grenade, leurs boutiques d’alimentation et de chaussures à Bordeaux.
Impressionnant caveau des descandants des Nolet (avant une nouvelle reconstruction non-l'identique au cours de l'année 2013) et la nouvelle pierre tombale.
La vente du fief familial
Les malheurs des temps pouvaient se solder par la perte de seigneurs d’ancienne origine. Selon les témoignages des descendants Desegaulx de Nolet, on ne connait pas avec certitude toutes les raisons qui on poussé l’ensemble de cette famille à vendre le fief familial. D’autant plus que cette famille n’aurait selon vraisemblance pas eut la connaissance de l’existence des deux châteaux de famille, Nodery et Nolet, pourtant très proche l’un de l’autre. On peut supposer par contre que les ventes se sont passées progressivement. La vente du château de Nolet ayant probablement eut lieu vers la fin XVIIIème ou au début du XIXème est donc antérieur à la vente du château de Nodery en mauvaise état qui s’est passée en 1880. Une dernière vente réalisée entre la venderesse Charlotte Ezgaulx, descendante d’Achille des Ezgaulx, son père qui en avait hérité en 1828 et l’acquéreuse, la marquise de Panât Marie Narbonne-Lara, veuve d’Henri Hyacinthe marquis de Panât.
Il reste un témoignage dans une lettre écrite par Henriette Desegaulx de Nolet, né en 1900 du premier mariage qui eut lieu en 1899 entre Henri Alexandre Desegaulx de Nolet et Francisca Refugio Herrero, fille d’un ambassadeur d’Espagne. Henriette adressa cette lettre à ses descendants en disant ceci : « Notre famille possédant le château de Nodery indument appelé château de Nolet a croulé sous les dettes par suite d’obligation par l’Etat de l’arrachage des vignobles attaqués par un insecte en 1880 et entrainant une épidémie de Phylloxera. Il fallut brûler les plans de vignes. Nous n’avions probablement pas les moyens de replanter et d’attendre quatre années que cela soit à nouveau exploitable».Elle ajouta également : « Notre cousine Yvonne de Tulle, a connu Nodery sous l’allure d’un château dégradé, comme beaucoup de châteaux, et possédant un bois et une chapelle disparus. A la place c’est un immense verger de pommiers».
Aux termes de ses transactions successives, certaines de ces ventes permettaient aux nobles de robe ou des financiers de s’approprier d’anciennes seigneuries détenues par des familles depuis plusieurs siècles. Ainsi, au début du XVIIIème siècle, Mathieu-Louis Hocquart, Premier Président à la Cour du Parlement de Toulouse acquit le château de Nolet. A son décès en 1843, c’est sa fille, Eléonore qui en prend possession pour ensuite, par son mariage, devenir celle des de Panât de l’Isle-Jourdain et être transformée en marquisat avec la construction d’un nouveau château à la fin du XIXème siècle…
Acte de vente du domaine de Nodery 1880:
Acte de vente du domaine de Nodery de 1880 (Ezgaulx-marquise de Panât)
Cadastre napolénien de 1817 (Près du ruisseau St--Pierre, l'ancien cimetière et le château de Nodery disparus aujourdhui)
Ci-dessous: (format A3)
Généalogie et descendance du Capitoul Jehan de Nolet:
Généalogie et descendance du Capitoul Jehan de Nolet
Les changements de pouvoirs et la Révolution de 1789
En 1789, la France est touchée par un conflit politique et civil. Changement de pouvoir, réorganisation de l’administration française, il faut reconstruire. Durant cette période, beaucoup de familles seigneuriales ont perdu des terres, un château, un ami ou plusieurs membres de leur famille, d’autres furent emprisonnées un temps… Les Desegaulx de Nolet n’échappent pas à cette fièvre de représailles. A Verdun, Jean François Desegaulx de Nolet est fait prisonnier avec son épouse et un de ses trois fils, Jean. Ce dernier était commandant de la Garde Nationale d’Aucamville durant une partie de la révolution. Son autre fils François Bourguine, chevalier Desegaulx de Nolet, né en 1762 et Maréchal des logis en chef au 15ème régiment de Dragons, pris part aux assemblées de la noblesse du pays de Rivière-Verdun en Gascogne, à cause de son fief de Gourdas. C’est également lui qui a écrit une lettre en 1795 signée par lui et son frère, capitaine dans le régiment de Beaujolais en 1790, demandant au tribunal révolutionnaire de libérer leurs parents et leur frère. Ils furent libérés en novembre 1795 pour services rendus à la République.
Fin XVIIIème et début XIXème siècle, changement de propriétaires au château de Nolet
Aux termes de ses transactions successives, certaines de ces ventes permettaient aux nobles de robe ou des financiers de s’approprier d’anciennes seigneuries détenues par des familles depuis plusieurs siècles. Ainsi, au début du XVIIIème siècle, Mathieu-Louis Hocquart, Premier Président à la Cour du Parlement de Toulouse acquit le château de Nolet.
Les Hocquart de Coeuilly, une famille originaire d'Irlande
La ville de Toulouse a été marquée par la présence de son Parlement, le second après Paris. Une bonne moitié de la cité a été métamorphosée par l'installation de puissantes familles bénéficiaires de leurs charges héréditaires. D'abord en compétition avec les grands marchands de pastel de la Renaissance, les magistrats toulousains vont constituer dès le XVIIème siècle le corps social le plus riche sinon le plus brillant de la ville et leur souvenir est encore présent dans les limites des quartiers historiques. Sur la matrice du cadastre napoléonien de 1817 il est notée que le propriétaire du domaine de Nolet, en 1843 était Mathieu-Louis Hocquart né à Paris en 1760, sous le règne de Louis XV et issu d’une famille de magistrats. Sa famille, originaire d’Irlande, était depuis longtemps établie en France. Ses parents comptèrent en lui leur dix-septième enfant. Il fit ses études au collège d’Harcourt, et c’est là que germa d’abord, que grandit bientôt en lui ce goût des lettres qui devait fleurir plus tard au milieu du monde. Mathieu-Louis Hocquart naquit à Paris, sous le règne de Louis XV, en 1760. Sa famille, originaire d’Irlande, était depuis longtemps établie en France. Ses parents comptèrent en lui leur dix-septième enfant. Il fit ses études au collège d’Harcourt, et c’est là que germa d’abord, que grandit bientôt en lui ce goût des lettres qui devait fleurir plus tard au milieu du monde. Il se décida pour la magistrature, puis entra comme conseiller à la Cour des aides, à l’âge de vingt et un ans. Il passa ensuite avocat général et se montra dit-on, digne de son prédécesseur Monsieur Dambray.
De Paris à Toulouse….
Il quitta Paris, où l’idée d’être utile ne le soutenait plus. L’histoire de la famille de Mathieu-Louis Hocquart est marquée par la révolution de 1789, il s’exile seul en Languedoc. Il vint dans le Midi de la France ; il passa par Toulouse, où il retint l’accueil amical de plusieurs membres du Parlement. Sa venue sur Toulouse est due à la grande réforme judiciaire introduite par la constitution du Consulat et les lois organiques du 27 ventôse an VIII (18 mars 1800.) Il préfère s’isoler dans la région toulousaine des hommes et des choses, il avait cru trouver un temps cet oubli. Il tenta en vain de se rendre en Espagne mais le guide qui devait l’y conduire le dénonça aux Jacobins. Il fut arrêté, emprisonné à Tarbes, mais échappa à la guillotine. Enfin libre il revint à Toulouse après la révolution mais ne s’y fixa pas pour autant.
En 1811, le grand Empereur voulait une magistrature digne d’un grand Empire. Il voulait de grands corps de justice, et tout ce qui pouvait le mieux en rehausser l’autorité dans la pensée des peuples ; c’était y vouloir ces hommes dont la présence apporterait aux cours impériales quelque chose de l’éclat des anciens Parlements. Mathieu-Louis Hocquart fut désigné pour occuper un des nouveaux sièges de Président à la cour Impériale de Toulouse, mais il refusa une première fois le poste. La simplicité de la vie à la campagne lui semblait plus conforme à la situation de son âme. Il réunit les débris de sa fortune, il se maria avec Dame Delsuc de Cassagne de leur union naîtra Françoise Joséphine Eléonore Hocquart qui épousa le 10 novembre 1819 un général de Napoléon en la personne de Philippe Samuel de Brunet de Castelpers, vicomte de Panât à l’Isle-Jourdain.
Maire de Mondonville
Mathieu-Louis Hocquart et son épouse s’établirent à Mondonville dont il en devint le Maire. Il était également membre de l’Académie des Jeux Floraux et avait conservé des relations avec Toulouse. Monsieur Théophile Barbot, mainteneur de l’Académie des Jeux Floraux en 1844 ne tarissait pas d’éloge sur son ami Hocquart, ancien mainteneur des Jeux en 1806. Il prononça le discours qui suit en séance publique le 4 juillet 1844, sur son mentor décédé dans l’exercice de ses fonctions le 14 mai 1843: « Monsieur Hocquart apporta dans l’Académie l’urbanité, la grâce bienveillante et spirituelle que l’on aime dans un confrère ; il y apporta le goût sûr, l’appréciation fine et délicate que l’on cherche dans un juge. Quand il louait ces qualités chez Monsieur de Montégut l’amour des lettres, et qu’il en recommandait l’étude comme l’appui de la vie publique aussi bien que la vie privée, ce qu’il disait, et l’exemple venait à l’appui du précepte. Il avait, dans ces occasions publiques, cette élégance sobre, mais suffisante, qui fait qu’on écoute sans se lasser. Il avait dans les rapports journaliers cette expression qui met à l’aise parce qu’elle semble indiquer que l’on reçoit autant que l’on donne. Il plaisait à ses confrères et il se plaisait avec eux. Ainsi le goût et l’expérience de l’homme d’esprit et d’étude avaient trouvé, dès 1806, une application parmi vous ; l’expérience du magistrat eût pu en trouver plus tard dans une autre sphère. Il sut mêler, dans ses relations avec les membres de sa compagnie, l’obligeance des bons offices à la convenance des rapports, et le chef fut en même temps un ami. Il était exact à se rendre au milieu d’eux au palais ; il était empressé à les recevoir dans son salon. Là on pouvait le voir se délasser dans les conversations du soir des discussions du matin ; là on pouvait retrouver, donnant l’exemple de l’abandon à la causerie, celui qu’on avait vu sur son siège donnant l’exemple de la retenue dans le silence. Dans la dernière phase de sa vie, la vieillesse n’avait chez lui aucun retour chagrin vers une autre saison, aucune comparaison amère ; et près de sa fille Eléonore qui était sa joie et dont il était l’orgueil, le présent lui semblait aussi doux que le passé. Il était le même pour elle, le même pour cette famille, heureuse de ce qu’il éprouvait et de ce qu’il inspirait ; le même pour ses collègues et pour ses confrères ; il fut le même jusqu’au dernier moment ; et quand la mort arriva il l’a trouva debout. (Il mourut le 14 mai 1843) Sa vie fut complète, en dépit des événements ; et conserva, au fond, malgré les agitations de la surface, son unité paisible et douce. Elle commença au grand jour d’une position brillante, continua dans l’obscurité, et finit au grand jour encore. La source avait glissé sous les vagues de la République et de l’Empire. Elle sut le défendre et enveloppa ses jours heureux, elle fortifia ses jours difficiles ; elle accompagnait le magistrat au palais, l’homme du monde dans la société, l’homme d’étude dans la retraite, sur son siège elle lui servait à être juste et dans son foyer à être heureux. On aimait le voir, bienveillant et belle homme représenter sur son fauteuil cette magistrature des Parlements qui fut l’une des gloires de la France.
Portrait de Mathieu-Louis Hocquart peint par Jean-Blaise Villemens (Gilbert Cousteaux et Jacques Poumarede)
Premier Président à la Cour Royale du Parlement de Toulouse
A la fois Membre du Conseil général de la Haute-Garonne, et du Conseil municipal de Toulouse il fut nommé de 1820 à 1830 son représentant à la chambre. En 1815, Il est nommé Premier Président de la Cour Royale de Toulouse pour services rendus à la cause royale durant les Cent-Jours. « Son ami Monsieur Dambray, son collègue d’autrefois et son ami de toujours, lui offrit la place de Premier Président à la Cour Royale de Toulouse ; il eût fallu la rendre vacante, et à cette idée il refusa. La nomination royale arriva, et il y eut un premier exemple de trois frères revêtus de la dignité de chef d’une Cour souveraine ».Dans le même temps, l’Académie des Sciences, inscriptions et Belle-Lettres, puis la société d’Agriculture l’associent à leurs travaux.
Portrait de Mathieu-Louis Hocquart peint par Jean-Blaise Villemens (Gilbert Cousteaux et Jacques Poumarede)
En quelle année peut-on supposer que Mathieu-Louis Hocquart vint vivre au domaine de Nolet?
D'autre part on peut supposer d’après le discours de Monsieur Barbot, que Mathieu-Louis Hocquart vivait au château de Nolet peut-être à partir de 1810. En effet, il est fait état dans une partie du discours, d’un déménagement de Monsieur Hocquart pour la campagne, avec une description pouvant laisser penser que l’on parle du domaine de Nolet. Voici un Extrait du discours de Théophile Barbot :
« Placé tout de suite aux premiers rangs par sa naissance et par sa charge, bientôt condamné à l’inaction, puis à la solitude des cachots, à la mort enfin, passant de l’isolement de la prison à l’isolement de la campagne. Il quittait souvent la campagne, et puis il regagnait, non plus l’habitation des premiers temps, mais celle où vous avez pu le voir (domaine de Nolet ?), celle où le fleuve qui est la parure et la richesse de nos plaines déroulait devant lui les plus gracieux, les plus fécond paysages ; et là les arbres qu’il plantait, les livres qu’il lisait, le calme qu’il respirait lui faisaient le présent précieux et l’avenir désirable. On aimait à le voir représenter dans son salon cette grâce et ce bon goût qui en était l’un des ornements, et qui bientôt aussi peut-être n’y sera plus qu’un souvenir. On aimait à le voir sous les beaux arbres qu’il avait plantés et qui ne devaient pas lui survivre, souriant et vert encore malgré ses cheveux blancs, rappeler une époque où la vie durait parce qu’on ne la hâtait pas ».
Cadastre napoléonien de 1817, château et domaine de Nolet, parcelle 699 (archives du Tarn-et-Garonne)
La naissance d’Eléonore Hocquart
Au décès de Mathieu-Louis Hocquart en 1843, c’est sa fille, Eléonore qui hérite du domaine de Nolet pour ensuite, par son mariage avec le vicomte Philippe de Panât devenir celle des de Panât de l’Isle-Jourdain et être transformée peu après en marquisat avec la construction d’un nouveau château à la fin du XIXème siècle…
Index du cadastre napoléonien de 1817 indiquant les différent propriétaire dont la comtesse Eleonore Hocquart
Le comte de Panât
L’époux d’Eléonore Hocquart, fils aîné du marquis Dominique de Panât vint au monde en 1787 à Toulouse. Philippe Samuel comte de Panât eut une longue carrière de diplomate et d’homme politique. Elevé en Angleterre et rentré en France en 1803, il commença très jeune en diplomatie, comme chargé d’affaires de Napoléon lors de l’expédition de Java, alors qu’il n’avait encore que vingt-trois ans. A l’Empereur qui lui reprochait une demi-réussite dans sa mission, le vicomte de Panât ose répondre : « N’y étais, Sire, et vous n’y étiez pas ! ». Il fut par la suite attaché à la légation de Varsovie en 1812, puis à la restauration chargé d’affaires sur Naples en 1817, puis sous-préfet de Bayonne et enfin préfet du Cantal en 1827. Entre temps, il était devenu maire de l’Isle-Jourdain en 1821. De retour de Toulouse, il entama une carrière politique nationale et fut élu député de 1827 à 1830, puis de 1839 jusqu’en 1851, il fut arrêté dans la nuit du 2 septembre et emprisonné au fort de Vincennes. Remis bientôt en liberté, il abandonna toute activité politique. Il fut élu Mainteneur des Jeux Floraux en 1851. Le couple Hocquart-de Panât donna naissance en 1822 à Henri Hyacinthe de Brunet de Castelpers, et en 1830 à Joséphine de Brunet de Castelpers de Panât qui décéda en 1858.
Le marquis Henri Hyacinthe de Panât
Au milieu du XIXème siècle, Henri Hyacinthe de Panât, le fils d’Eléonore Hocquart et de Dominique de Panât, était un homme de lettres, très éloquent, qui continua la tradition familiale en étant membre de l’Académie des Jeux Floraux. Son père fut secrétaire perpétuel en 1828 et enfin Mainteneur en 1851. En 1851, Henri Hyacinthe devient propriétaire du domaine de Nolet deux après son mariage avec Hermésinde Marie Geneviève Hortense de Narbonne-Lara, héritière du château familial des Purpan. Le 14 décembre 1859, Henri Hyacinthe de Panât décède à Toulouse, son père le vicomte Dominique de Brunet de Castelpers, époux d’Eléonore Hocquart, décède six mois plus tard le 4 juin 1860. Désormais Léopold, le fils ainé du marquis Henri Hyacinthe de Panât, demeure alors le seul héritier du domaine. Il demeura donc avec sa mère, Marie-Narbonne Lara dans le château de Nolet. C’est environ à cette période qu’un incendie ravagea totalement le château de Nolet et dont il ne subsista que les fondations.
Réalisation d’un rêve caressé et désireuse de s’installer à nouveau Nolet, la marquise édifia avec son fils, un nouveau château de charme à Nolet selon le goût de la deuxième moitié du XIXème siècle, un lieu de retraite et de villégiature pour la marquise et ses deux fils, Samuel et Léopold. La marquise est charmée par les lieux, propices à la tranquillité et se retire régulièrement dans son château de Nolet d’inspiration discrètement italienne qui évoque certaines constructions de la campagne toscane
Le nouveau château de Nolet, l’œuvre d’une famille
D’après le témoignage d’une ancienne propriétaire du château de Nolet, lancé sous le Second Empire, le château de 920 mètres carré habitable fut construit en 1862 et demanda trois ans de travaux. L’édifice s’assied sur les sous-sols de l’ancien château. Il comprend trois tours d’angle et restitue à peu de chose près le tracé de l’ancienne construction attestée par le cadastre napoléonien de 1817.
L'aisance du constructeur apparaît dans l'utilisation de la brique foraine, très utilisée dans la région, qui a la particularité d’être cuite au four avant son utilisation et vendue dans les foires du Midi. Elle lui confère une touche d’exotisme, la couleur rouge variant selon la lumière des saisons pour prendre des teintes roses, oranges.
Armoirie de la marquise Narbonne-Lara accolée à celui de son époux Henri Hyacinthe de Panât, gravée dans la pierre du château de Nolet et sur la plaque de cheminée.
Le mariage des styles et d’une époque
L’édifice est doté d’un plan rectangulaire d’une aile avancée en retour d’équerre de 9 mètres carré, sorte de pavillon du XXème siècle plus élevé que le corps central qui vient s’ajouter à la construction. Le corps principal s’élevant sur trois niveaux le dernier se situant sous les combles et la façade, d’inspiration Louis XIII, est symétriquement flanqué de deux tourelles en encorbellement coiffées en poivrière. L’élégant château tel qu’il se présente doit son unité et son élégance à l’emploi uniforme du matériau du pays : la brique foraine.
Les éléments les plus visibles du château tels que les deux tourelles d’angle et l’échauguette à culot mouluré posée sur un garde corps confèrent au château un aspect moyenâgeux et remplirent surtout une fonction principalement symbolique. Le château entouré d’un grand parc ne présente aucun dispositif défensif. A ce titre, il demeure le témoignage d’une architecture en pleine évolution associant des influences médiévales avec un nouveau style décoratif, dans le goût du XIXème siècle.
Les métamorphoses et embellissements des jardins
La propriétaire Marie Narbonne-Lara, à la tête d’une fortune importante gérée à présent par son autre fils, Samuel, s’attache à remanier les alentours sur le modèle de grands domaines britanniques : lieu de villégiature composé d’une grande et luxueuse demeure aristocratique, d’architecture classique et très équilibrée, entourée d’un beau parc à l’anglaise. Elle installe un vignoble qui entoure le château de plaisance et qui confère à l’ensemble du prestige.
Jean Oulié, le chef-jardinier des de Panât à Nolet
Le marquis convoqua un jardinier et un décorateur qui vont tous deux se consacrer à l’embellissement de Nolet. Les jardins et parterres de fleurs tracés au début du XXème siècle par Jean Oublié, occupaient la totalité du parc. Ils s’ordonnaient autour du château devant lequel s’élevaient des chênes centenaires, agrémenté d’une espèce rare de Louisiane « le Cyprès Chauve », malheureusement arraché à la fin des années 90. Un des chefs-jardiniers, Jean Oulié composa à ses heures quelques poèmes en languedocien sur Nolet et son pigeonnier. Deux de ses plans de plantations, datant de 1907, permettent de restituer pour le premier les plantations d’un parc botanique peuplé de nombreuses espèces, dont les cèdres qui prendront avec l’âge une majestueuse ampleur, et pour le deuxième, la disposition d’un parterre situé façade ouest et accolé au château.
Sur une photo prise en 1879[1], on cerne les aménagements du vaste parc à l’anglaise qui y étaient projetés et les chênes ajoutaient encore au charme d’un lieu où tout évoque le raffinement. Le domaine offrait les charmes d’un beau parc et d’un tapis de verdure parcourue d’eaux vives qui descendaient en pente douce vers les rives de la Save.
[1]Le château de Nolet pris en photo en 1879 fut édité en carte postale par les éditions Labouches Frères de Toulouse au début du XXème siècle.
Le détail des plantations du domaine de Nolet en 1907, réalisé par Jean Oulié pour le marquis de Panât Samuel Brunet de Castelpers. (Christian Xuereb)
Le marquis Samuel de Panât décède en 1913, laissant pour héritiers son épouse Marguerites Salles, son fils Aymeric et sa fille Henriette.
La vie quotidienne à Nolet allait changer. Le dernier descendant des Brunet de Castelpers de Panât a eu une carrière toute différente de celle de ses prédécesseurs. Le vicomte Aymeric de Panât était un artiste loin de toute politique, un pastelliste de talent peu intéressé par la lourdeur des charges que pouvait représenter l’entretien d’un domaine comme celui de Nolet, de plus sa carrière d’artiste l’amenait à se déplacer beaucoup à travers la France. C’est certainement avec un pincement au cœur qu’il décida de se séparer du château chargé de souvenirs et gravé dans la pierre des armoiries de ses arrières-grands parents, Henri Hyacinthe de Panât et Marie Narbonne-Lara.
En 1918, la France sort de la fin de la Première Guerre Mondiale et se retrouve en crise. De nouveaux investisseurs en profitent pour racheter des domaines comme celui de Nolet en 1919 à bas prix.
La marquise de Panât, Marguerite Salles au début du XIXème siècles à l'Isle-jourdain. Musée de l’Isle Jourdain, (Pierre Sahuguède)
La marquise de Panât, Marguerite Salles au début du XIXème siècles à l'Isle-jourdain. Musée de l’Isle Jourdain, (Pierre Sahuguède)
Le XXème siècle, une nouvelle ère
Des investisseurs étrangers à Nolet
Revendu en 1919, le domaine de Nolet passe au cours du XXème siècle aux mains de divers propriétaires. Ils font preuve d’esprit d’initiative, de modernité dans les modes d'exploitation mais aussi du point de vue social avec la création des cités jardins. Nolet a été un lieu d'expérimentation pour ces entrepreneurs. Ce lieu niché en bordure de la Save sera modifié au grès des modes architecturales et des besoins de leurs propriétaires.
L’apiculteur Cannois, De la Luz Veyan
En 1919, Charles de la Luz Veyan[1], un apiculteur de métier de la région Cannoise et son épouse Eugénie Nielly décident d’investir dans la région Midi-Pyrénées. Ils ont tous deux jeté leur dévolu sur le domaine de Nolet. Le 19 janvier 1922, il rattache le domaine voisin de Bel Air à celui de Nolet[2]. Une anecdote datant de 1920 a traversé les générations suivantes qui ont vécu à Nolet : on rapporte qu’il y avait tellement de cheminées dans le château de Nolet qu’un homme fût embauché par les propriétaires et chargé d’entretenir les feux des cheminées toute la journée et la soirée. L’agrandissement des espaces habitables dû à la nécessité de loger le personnel de service sur place, a abouti à la construction d’un escalier en bois logé de 8 mètres carré dans l’aile nord permettant de desservir les trois étages dans la plus grande discrétion.
[1] La famille de La Luz-Veyan possédait des mines de métaux au Mexique.
[2] De la Luz Veyan le rachète à Mme Jeanne Amélie Maguelonne, veuve de François Bayssade composée d’une ferme, maison de maître, bâtiments pour les colons et pour l’exploitation, écurie, hangar, porcherie, volière, jardin, vergers, sainfoin, prairie, terres labourables et vignes d’une contenance totale de 5 ha.
A Nolet, le couple apiculteur passe la main aux agriculteurs céréaliers et associés Turinois Dominique Brizio et Charles Barbera en 1926. Mais la vente du domaine de Nolet donnera lieu à un procès, pour dissimulation frauduleuse d’une somme de 800 000 francs sur le prix de vente du château de Nolet qui était de 500 000 francs d’après l’acte de vente de 1926[1].
On note la présence d’une famille italienne dans la ferme de Bel Air dès 1932, une annexe agricole rattachée à Nolet. Bien que l’on suppose qu’il y ait eu d’autres familles italiennes à partir de 1920, d’autres familles péninsulaires comme les Alamandri, Paolpi, Zabotti, etc....se succèderont jusqu’à la fin du XXème siècle.
[1] Le verdict rendu public, le 19 juillet 1928, dans la presse du Midi déclarait que les trois fraudeurs eurent une peine financière dérisoire au regard des sommes engagées.