Récit de Thierry Gonzalez, stagiaire à Nolet (1976-1989)
Printemps 1976 – La découverte :
J’allais avoir 16 ans lorsque je passais pour la première fois à vélo sur la route départementale qui sépare le parc de Nolet de ses vergers, explorant la région, en direction de Verdun sur Garonne. Les arbres du parc n’avaient pas encore revêtu leurs frondaisons de printemps ; la ravissante bâtisse de briques roses apparût donc majestueusement sur ma gauche et je m’arrêtais instantanément à l’orée d’un chemin qui descendait à droite dans les vergers.
C’était un samedi après-midi où la clémence du temps transportait les effluves des diverses essences du parc qui se mêlaient aux stridulations des insectes et aux chants des oiseaux. Dès les premières secondes d’observation, j’étais séduit par le charme indéfinissable des lieux et fasciné par ce paysage hors du temps. Du Mozart…
Pas un seul volet ouvert ni âme qui vive. L’endroit semblait déserté. Cependant, le remarquable entretien du parc et de la façade qui se présentait laissaient comprendre qu’il ne s’agissait que d’un abandon très provisoire. En témoignait une petite pancarte au commencent de l’allée principale qui menait au château sur laquelle je pus lire « Domaine de Nolet – Entrée du château interdite au public ».Tout était dit. Je devrais donc me contenter d’admirer ce tableau depuis la départementale. Par la suite, je passais sur cette route le plus souvent possible pour le simple plaisir de retrouver cette émotion de la première fois. Je n’avais jamais la possibilité de venir en semaine en raison de mes cours. Par conséquent, je voyais toujours la propriété seule et fermée.
Me référant à l’impeccable tenue des lieux, je me plaisais à imaginer le dédale intérieur composé de nombreuses pièces élégamment décorées et confortablement meublées. L’avenir allait me confirmer que j’avais vu juste.
Automne 1976 – Lycée Toulouse-Lautrec - Cours d’Histoire classe de seconde :
Féru d’Histoire, de Patrimoine, d’Architecture, d’Arts Décoratifs et d’Art de Vivre à la Française des siècles passés depuis ma plus tendre enfance, notre professeur d’Histoire cette année-là allait m’offrir l’opportunité de découvrir enfin les secrets de cette fascinante demeure qui m’apparaissait mystérieuse à la belle saison et lugubre à l’approche de l’hiver.
Dans le cadre d’un exposé, je choisis le sujet du Patrimoine Architectural en Midi Toulousain. Thème vaste pour chaque région de France. Mon travail m’amena donc dans des demeures toutes plus prestigieuses les unes que les autres. Je citerais par exemple, le château de Larra, le château de Fourquevaux ou encore celui de Merville, fleuron du XVIIIème siècle de la région, propriété des Comtes de Beaumont.
Mais rien n’y fit : l’essentiel de mon exposé serait fixé sur Nolet, qui bien que petit château provincial du XIXème, restait mon favori.
Je décidais donc de me présenter au château avec mon sujet sous le bras. C’était courant Octobre 1976. En dépit du panonceau qui n’autorisait aucunement l’accès à la propriété, j’empruntais pour la première fois l’allée menant au château. Je dois avouer qu’au fur et à mesure de mon avancée, je n’étais pas particulièrement rassuré, un tant soit peu interrogatif quant à l’accueil qui m’attendait. Lorsque j’arrivais enfin devant la noble demeure, c’était encore plus impressionnant que vu depuis la départementale, d’autant plus que ce jour-là, tous les volets étaient ouverts et l’activité fourmillait en tous sens. L’ampélopsis qui recouvrait les façades avait revêtu ses couleurs d’automne et magnifiait d’autant plus la bâtisse.
Ne sachant laquelle des nombreuses portes-fenêtres était l’entrée, j’allais toquer à la première derrière laquelle je trouvais entre tentures et bureau, une personne plongée dans son travail. Il s’agissait de Mr Pierre-Jean AVERSENG, alors Fondé de Pouvoir de la SICA Les Vergers d’Aquitaine. Je me présentais, ainsi que mon projet en quelques mots, et très aimablement, il me conduisit jusqu’à Mme Catherine GERMAIN. J’étais déjà très impressionné après avoir traversé son grand bureau qui donnait dans le vestibule d’honneur et qui jouxtait le salon où se tenait Mme Germain. En quelques pas, j’avais déjà la confirmation de ce que j’avais imaginé huit mois auparavant.
Mme Germain m’accueillit très chaleureusement dans le cadre raffiné de ce salon richement meublé et décoré où, précocement dans la saison, le feu de cheminée flambait. Après avoir bavardé un moment, elle me conduisit jusqu’au bureau de son père, un homme d’une rare élégance et d’une grande classe. Il était présent ce jour-là, habitant à l’accoutumée son Hôtel Particulier de l’Avenue Foch. Il nous accueillit mon projet et moi de manière très positive. Je venais en quelques instants de rencontrer les personnages principaux du château, tous d’un abord très avenant. Tout était tellement impressionnant pour l’adolescent que j’étais alors que je dois avouer que leur ouverture d’accueil facilitait ma tâche.
Catherine GERMAIN me fit visiter les pièces qu’elle pensait le plus représentatives de la maison et nous convînmes d’un rendez-vous le mercredi suivant afin de commencer la constitution de mon dossier.
Lors de ma seconde visite, je passais tout le mercredi après-midi au château. Mme Germain après m’avoir présenté à Augusta FABRI, lui laissa le soin de me faire visiter la demeure de la cave au grenier et elle m’autorisa à faire toutes les photographies que je souhaitais. Tout était beau, impeccable, d’un luxe raffiné et discret. J’aurai voulu me fondre dans les colonnes et ne plus partir de là. Avant la fin de la journée, je passais un long moment à converser avec Mme Germain dans son bureau où, pendant qu’elle me contait tout ce qu’elle savait de l’historique des lieux, je prenais de nombreuses notes.
Le matériel photographique que j’utilisais à l’époque n’était pas du tout performant et moi-même n’étant pas particulièrement doué dans ce domaine, plusieurs visites furent nécessaires avant que je ne constitue un dossier à peu près correct. Mon grand regret aura été d’une part de ne pas avoir eu un grand angle qui m’aurait permis d’obtenir des vues d’ensemble des pièces (de fait, je n’ai que des détails mais ils ont le mérite d’exister) et d’autre part, de ne pas avoir photographié les habitants et le personnel des lieux dans leur cadre de vie quotidien. En y réfléchissant bien, je crois qu’à ce jeune stade de nos vies, nous imaginons que tout est éternel, restera en l’état et nous nous disons que nous avons tout devant nous. Hélas, l’horloge du temps nous prouve le contraire et parfois de manière abrupte.
Je venais donc régulièrement au château le mercredi et j’avais fait la connaissance d’Elvire, de Yolande, de Louise avec qui je passais de longs moments dans les cuisines à bavarder. Elles me transmettaient des anecdotes qui étoffaient mon exposé et Nolet me passionnait chaque jour d’avantage.
Je ne m’adressais à la maîtresse des lieux que par «Mme GERMAIN » et je pense qu’elle avait compris le respect que j’avais pour cette maison, ce qu’elle contenait et les personnes qui l’habitaient. Pour ma part j’avais cru capter qu’elle appréciait les personnes qui s’intéressent, qui ont une passion. Une relation de confiance s’était donc instaurée et je pouvais vaquer à ma guise, prendre des notes et photographier tout ce que bon me semblait, en toutes saisons. Je passais d’abord la saluer dans son bureau et dans la foulée, « Vous connaissez le chemin…» me disait-elle !
C’est elle qui me fît connaître, m’apprît et me fît apprécier le Second Empire (que certains Historiens décrivent comme le Second Tant Pire mais cela n’engage qu’eux !)
Catherine GERMAIN représentait pour moi le raffinement et la culture discrète, l’intelligence modeste en soi. Au final, une personne très agréable.
Le château, le parc, le domaine, des lieux exquis :
Je faisais donc la découverte d’un magnifique Domaine à un moment où sa vocation était plus orientée vers un lieu de travail qu’une villégiature. Il y avait donc déjà un certain nombre de bureaux au château, cependant, les appartements privés constituaient le fleuron de la demeure.
La qualité de vie et l’atmosphère qui y régnaient étaient empreints à la fois d’un raffinement et d’une simplicité discrètes.
Au printemps, les vergers, vus depuis les anciennes chambres de bonnes au cinquième niveau du château étaient une marée rose et blanche ; une vision paradisiaque. C’était des centaines d’hectares tout autour dont on avait l’impression qu’ils allaient atteindre l’horizon.
Le château a été érigé entre 1859 et 1862 au beau milieu d’un parc à l’Anglaise d’environ 15 hectares, entouré de plusieurs centaines d’hectares de vergers aux cultures diversifiées. Les principaux éléments du parc, hormis bien sûr une fascinante et majestueuse plantation d’essences variées, résidaient en un étang artificiel sur lequel on pouvait admirer la grâce des cygnes, un jet d’eau au centre et une multitude de fleurs sur le pourtour ; un peu plus à l’Ouest, un cours de tennis ; à gauche de la façade Ouest du château une piscine de belles proportions. Côté Nord, le pigeonnier et la villa du Régisseur, Mr Fraysse dont l’enclos préservait l’élevage d’une famille de daims. Côté Sud, le château était séparé des dépendances par une rangée de platanes et de végétations diverses. Le romantique ensemble invitait à la promenade, ponctuée par des sujets de pierre, de terre cuite, de marbre, de bancs à motifs de fougères ; propice à la rêverie en toutes saisons. J’en ai passé des heures de lecture sous le grand platane côté Est ou encore sur un banc au bord de l’étang.
Le rez-de-jardin du manoir comprenait une enfilade de pièces de réception côté Est, donnant sur une terrasse en pierre bordée de balustres : salle à manger, petit salon et grand salon. Ce dernier, transformé en bureaux pour les besoins de l’activité, était sans aucun doute la plus vaste et la plus architecturée des pièces de la maison : d’environ 60 m2, on marchait sur un parquet Versailles au-dessus duquel régnait un plafond en stuc à 9 caissons incluant en son centre une somptueuse rosace. Les murs entre les 5 portes-fenêtres et 3 double-portes de communication, étaient entièrement recouverts de stucs de style Louis XVI, qui bien qu’exécutés au XIXème siècle respectaient scrupuleusement les attributs.
Légende du croquis (échelle 1/100ème) :
- Tour carrée
- Bibliothèque
- Grand salon
- Petit salon
- Salle à manger
- a-b-c : cuisine-cellier
- Bureau de Robert Germain
- Vestibule d’honneur et grand escalier
La salle à manger aux murs lambrissés de boiseries vert d’eau, rechampies de rouge, dominés par un remarquable plafond à l’Italienne blanc et doré, dit « Nid d’Abeille ». Le mobilier était d’acajou, grande table, vitrines d’exposition de pièces de forme en Sèvres et Vieux Paris ; table à gibier Louis XV à plateau de marbre, surmontée d’un impressionnant miroir à pare-closes du XVIIIème Italien ; de grandes tentures vert sapin gansées « A la Maupassant » faisaient face à une cheminée de marbre brun surmontée d’une précieuse glace Napoléon III à fleurs de porcelaine et d’une paire d’obélisques en marbre vert. Le foyer était équipé d’une plaque de fonte frappée aux armoiries des Marquis de Pânat, ordonnateurs de la construction de l’édifice. Sur le pourtour de la pièce, une série de sièges XVIIIème et XIXème et pour finir un superbe lustre « Montgolfière » qui, surplombant la grande table d’acajou, vient en sus d’une paire de girandoles en cristal, se refléter dans le miroir de cheminée.
Pour l’anecdote, Elvire disposait systématiquement au centre de cette table une corbeille garnie de fruits frais. Elle nous disait que d’une part, c’était la symbolique de la propriété et que d’autre part, lorsque nous avions une petite faim, il était bien plus sain de grignoter des fruits au passage.
Dans le salon de famille qui jouxte la salle à manger, on pouvait admirer un riche ensemble de mobilier d’époque Second Empire (sièges, console, guéridons, tapis, meuble d’appui, paravent, miroir de Venise au-dessus de la cheminée de marbre noir, lustre en cristal) élégamment disposé dans un décor aux murs tapissés de moire gris perle surlignée de passementerie et de tentures imprimées dans les tons roses, gris et bleus.
On accède à l’imposant Vestibule d’Honneur côté Ouest, éclairé par 2 portes-fenêtres, d’aussi vastes proportions que le grand salon. Se reflétant dans une immense glace sertie de stucs, le monumental escalier de pierre à rampes de fer forgé, au pied duquel à partir d’un dallage de pierre à cabochons noirs, s’élèvent colonnes supportant arches, stucs et caissons. Le centre des marches est habillé par LE tapis rouge ! L’éclairage est assuré par des appliques et des hampes supportant des ananas surmontés de globes en opaline, le tout Napoléon III. Quelques éléments meublant tels canapé en bois doré capitonné de satin noir, guéridon de marbre rouge, paravent tapissier, vases Médicis en pierre, plantes vertes et diverses sculptures. Sur le premier demi-palier, une paire de nubiens encadrent un somptueux miroir sorcière du 1er Empire en bois doré, avec l’Aigle Impérial pour fronton. A gauche de la glace du vestibule, le bureau de Mr Robert GERMAIN au décor de boiseries rechampies et tentures caramel aux reflets chatoyants. A droite, le couloir qui mène à l’escalier de service (que l’on empruntait pour accéder notamment aux greniers), aux cuisines et à l’office.
Au premier étage, sur le dallage de marbre en damier, il y a une borne Napoléon III à 4 faces, capitonnée du même damas jaune que celui des tentures des fenêtres et 2 tableaux accrochés au mur qui sépare la chambre de Catherine GERMAIN. Cette dernière reflétait une fraîcheur toute de féminité avec ses murs tendus de tissus à semis floraux et rideaux à motifs de cachemire ; quelques pièces de mobilier fin XIXème et un cabinet de toilette dissimulé derrière un paravent tapissier. L’escalier de service séparait cette chambre de sa salle de bains privative. On pouvait y admirer le bleu profond d’un superbe carrelage dont la qualité rappelait celle des émaux de Briare. L’atmosphère était donnée par un papier peint damassé à impressions bleu ciel, assorti à la soierie des rideaux gansés de broderies.
La salle de bains de Mr et Mme GERMAIN jouxtait celle-ci. De belles proportions, carrelée de la même qualité mais en gris pâle, les 2 grandes fenêtres donnant sur le parc étaient habillées d’une soierie parme gansée de broderies qui donnait le ton au papier peint à motifs de nénuphars sur fond gris pâle. Les équipements étaient de marbre, additionnés de robinetterie en «Col de Cygne » et encastrés dans des alcôves renfermant rangements, toilettes et cabine de douche. C’est une atmosphère 1er Empire qui régnait dans cette pièce ; un authentique « Salon des Bains ».
Pas moins de 6 chambres à cet étage dont 3 dites « d’Apparat ». Chacune, vaste, architecturée, était pourvue de ciel de lit en alcôve, de cheminée en marbre, de dressing et de cabinet de toilette (dont 2 donnant dans les tourelles d’angles sur la façade Est). Toutes richement meublées et décorées.
Celle de Mr Robert GERMAIN, la chambre bleue, était la plus représentative du style Napoléon III et de l’art du tapissier : mobilier d’ébène à incrustations de nacre, ensemble de sièges en bois peint, capitonnés de la même étoffe que les lourdes tentures gansées «A la Maupassant ». Lustre en verrerie de Murano bleue. C’est dans cette pièce que se trouvait à mon sens, le plus beau meuble du château : il s’agissait d’un précieux bonheur du jour en marqueterie et bronzes, à médaillons ovales incrustés d’une multitude de croix de nacre. Tout le charme du Second Empire.
En suivant, la chambre de Mr Pierre-Jean AVERSENG, présentait une atmosphère tendant vers la fin du XVIIIème en raison des étoffes à impressions rappelant la toile de Jouy et le gris Trianon utilisé pour le fonds de décor. Il y avait aussi quelques pièces de mobilier Louis XVI (table bouillotte, secrétaire…) entourant les chauffeuses, crapauds et méridienne.
Dans la continuité, la chambre jaune aux étoffes à motifs floraux présentait un ensemble de mobilier 1er Empire, Louis XV et Napoléon III.
Ces trois chambres étaient de véritables salons, chacune pourvue d’une méridienne destinée au repos, à la lecture. Le mélange des styles - par ailleurs composé avec le meilleur goût puisque durant le Second Empire, la tendance était de mélanger les créations des siècles précédents – conférait une atmosphère annonçant l’arrivée prochaine de la période Proustienne.
Ensuite, dans l’aile Sud, se trouvait une petite mais non moins charmante chambre bleue, meublée en fin XIXème, qui était occupée à la saison d’été par les filles au pair venues s’occuper des enfants.
Et pour finir sur cet étage, la chambre d’Olivier, le fils de Catherine GERMAIN, pièce de belles proportions, meublée de lits jumeaux, elle donnait sur une salle d’eau dans la tour carrée. Le décor initial était constitué d’un satin jaune bordé de passementeries. Mme Germain le fera changer au début des années 80 par une étoffe plus actuelle à fines rayures melon/blanc cassé.
En empruntant l’escalier pour suivre la visite au second étage, on s’arrêtait sur le demi-palier devant un superbe cabinet de style XVIIème (époque XIXème). Pour l’anecdote, il effrayait Yolande car les multiples petits tiroirs et l’architecture du meuble, lui inspirait, je la cite : « On dirait un tabernacle ! ».
A ce niveau, les ouvertures sont plus étroites et situées à hauteur d’œil ; ce qui n’enlève en rien que les 7 pièces principales sont tout aussi architecturées et confortables qu’au premier étage. Les sols sont ici parquetés en chevrons. Un détail de taille attirait immédiatement l’œil en arrivant sur ce palier : un grand tableau reproduisant une magnifique demeure mauresque. Je ne me souviens plus si l’information m’avait été communiquée par Elvire ou Mme Germain elle-même : il s’agissait de la propriété que Mr GERMAIN possédait près d’Oran.
Pour les besoins professionnels, 4 pièces ont été aménagées en bureaux. 2 sont des chambres d’invités à lits jumeaux, une a été réservée pour un petit salon meublé de fauteuils gondoles tapissés de rouge et enfin, une immense salle de bains pourvue d’un dallage d’une remarquable et très fine mosaïque qui semblait avoir été assemblée là vers 1900. Pour l’anecdote, la surface de cette pièce permettait aux enfants d’installer leur tennis de table pour les jours pluvieux.
Le plus remarquable de cet étage réside dans le dôme qui surplombe la cage d’escalier ; comme suspendu-là, avec ses 4 faces inclinées recouvertes de stucs et dont le centre est pourvu d’une superbe lanterne à facettes de style Louis XV. La hauteur totale de la cage d’escalier doit avoisiner les 15 mètres.
La visite se termine par les greniers qui occupent 3 niveaux sous les toitures dont les 2 premiers subdivisés en plusieurs chambres de bonnes qui semblent avoir été un terrain de jeux à une certaine période ; l’on peut lire les souvenirs du moment que chacun y inscrivait sur les murs. La vue sur le parc et les vergers y est incomparable. Elvire et Yolande y étendait le linge l’hiver car c’était l’endroit où en ouvrant un œil de bœuf sur chaque façade, elles obtenaient un courant d’air qui facilitait le séchage.
Mme Germain m’apprit que tous ces décors avaient été exécutés sur une durée d’environ 3 ans par les anciens établissements « Frères Schmit – Tapissiers Décorateurs à Toulouse ». Dans chaque pièce que l’on traversait, ce n’était que profusion de collections de mobiliers, tableaux, tapis, tentures ; toutes choses somptueuses aux finitions impeccables devant lesquelles il était impossible de passer sans s’arrêter pour admirer.
Il semblerait d’après les photographies transmises par Mr Segarra qu’avant les travaux entrepris par Mr GERMAIN dans les années 60, les intérieurs du château étaient un tant soit peu plus sobres.
Nolet est un manoir ravissant, habité par des personnes charmantes, une maison de famille chaleureuse et vivante. C’est tout ce qui la rend plus attachante que tout autre célèbre et somptueux château. Il y régnait une douceur de vivre que je ne me souvenais pas avoir perçue ailleurs. Lorsque je complimentais Mme Germain sur la splendeur de sa demeure elle ne faisait que remercier avec toute la modestie qui la caractérisait.
C’est un pincement d’en parler au passé…
Nolet – Un lieu de travail :
Par la suite, dans le cadre de mes études, Catherine GERMAIN me prodiguât des conseils et me permit d’emprunter des livres au château. Je me souviens qu’elle était également de très bon conseil pour mes lectures. C’est avec elle que j’ai découvert par exemple, Françoise CHANDERNAGOR (L’Allée du Roy).
Arrive l’année du Bac, en 1978. En ce temps-là, nous terminions un cycle d’étude par un stage en entreprise. Il y a eu ensuite en 1980 le rapport de stage qui constituait une des U.V. du BTS Gestion et Organisation des Entreprises. A cette occasion, Mme GERMAIN m’offrit l’opportunité d’un poste à la comptabilité des vergers sous l’égide de Mr GUARDIOLA, Chef Comptable.
A ce stade, je vivais Nolet au quotidien, mais dans son cadre professionnel. Les différents collaborateurs de l’entreprise que j’ai pu côtoyer étaient tous aussi appréciables les uns que les autres et l’émulation qui régnait dans la motivation pour la bonne tenue et l’intérêt de cette belle société était palpable.
Les activités qui m’étaient confiées étaient très diversifiées. Je pouvais me trouver dans les bureaux situées dans les dépendances du château, où était tenue toute la comptabilité générale ; comme au second étage où Raymonde (dont j’ai oublié le nom de famille) m’apprenait l’art du tableur.
Au rez-de-jardin, il y avait La Direction Générale constituée par Mr et Mme Germain, Mr Pierre-Jean Averseng et Mr Duchemin (qui, si mes souvenirs sont bons était Directeur Financier) ; il y avait également Pilar, la secrétaire. Au second étage, étaient les bureaux de la Direction Marketing sur les murs desquels étaient fièrement affichées les vues aériennes du Domaine prises par Jean DIEUZAIDE. On y trouvait aussi les affiches publicitaires des diverses variétés de pommes et de poires (passe-crassane…).
La période d’été était effervescente au Domaine. Il y avait en plus des collaborateurs permanents, l’arrivée de nombreux saisonniers pour la cueillette et l’entretien des vergers. C’était les deux mois de l’année ou Mme Germain restait au château et accueillait famille et amis. La piscine, de proportions exceptionnelles, s’animait des jeux, cris et rires des enfants dont Olivier, le fils de Catherine. Le cours de tennis derrière l’étang, retentissait des balles et exclamations des joueurs en fin d’après-midi. Elvire prenait ses congés en Juillet et c’était Louise qui venait la remplacer aux cuisines.
J’ai vu l’organisation de réunions qui rassemblaient les dirigeants des autres Domaines comme Lavalade, Gaujac ; ces jours-là, il y avait foule au château et les cuisines ressemblaient à une ruche. J’ai le souvenir d’un jour où il y avait tant de convives, que des tables supplémentaires avaient été dressées dans les embrasures des portes-fenêtres de la salle à manger.
Et la maison était toujours aussi remarquablement tenue. De même que les bureaux des dépendances et du château dont l’entretien était assuré par Antoinette BORASO. Cette dernière habitait alors une dépendance face aux bâtiments de la comptabilité générale. Elle vit toujours sur le Domaine, dans la petite maison qui était autrefois occupée par Mr et Mme GUARDIOLA.
Le mémoire que j’entrepris avait été accueilli par le jury lors de la soutenance comme le plus singulier. En effet, il semblait que j’étais le seul étudiant de la promotion à avoir effectué son stage en entreprise dans un cadre qui se distingue autant du commun. La page de couverture représentait un pêle-mêle de quelques photos que Mr Germain m’avait gracieusement offertes, sorties tout droit d’un tiroir de son bureau. J’apprendrai beaucoup plus tard qu’il s’agissait de tirages de la collection Jean DIEUZAIDE. Compte tenu de la diversité des tâches qui m’avaient été confiées, le contenu, richement commenté, documenté et annexé.
Le reste du temps :
Les années sont passées et lorsqu’en 1989 j’obtins l’opportunité de poursuivre ma carrière professionnelle à Paris, je passais au château dire au revoir à Mme GERMAIN. Ce jour-là, j’eus le pressentiment que c’était peut-être la dernière fois que je la rencontrais et que je revoyais ces lieux auxquels j’étais si attaché.
Mon intuition se révéla juste lorsqu’en 1995, je tombais sur un article paru dans un magazine spécialisé sur les antiquités ; il concernait la vente par un antiquaire Toulousain, du splendide paravent Directoire qui se trouvait dans le Petit Salon. Je le reconnus immédiatement tant il était caractéristique et après comparaison avec mes photos, tout doute était dissipé, il s’agissait bien d’un élément des décors du château. Je compris que quelque chose était arrivé et que lorsque je reviendrai à Toulouse, je ne retrouverai pas le Domaine comme je l’avais connu.
Effectivement, en 1997, Nolet passait en d’autres mains et devenait inaccessible.
Aujourd’hui :
Ma passion pour le Patrimoine m’a conduit à devenir membre d’Associations telles que la Demeure Historique et les Vieilles Maisons Françaises. Il m’a donc été permis de participer à de nombreuses remises de prix pour des restaurations de demeures toutes plus prestigieuses les unes que les autres. Cependant, et de la même manière que Mr Segarra, c’est Nolet qui est, non seulement en fonds d’écran de mon ordinateur, mais également de mon mobile et surtout, la collection de photos en ma possession a été scannée et montée en diaporama d’écran de veille.
Toutes ces archives étaient précieusement conservées dans ma bibliothèque ; il m’arrivait de les consulter de temps en temps avec un petit brin de nostalgie. Lorsque courant 2011 je trouvais une annonce sur internet précisant qu’une personne dont la famille avait vécu au Domaine à partir des années 40, recherchait de la documentation afin de reconstituer son histoire, je n’ai pas hésité à prendre contact. Depuis lors, avec Erwan, nous entretenons cette passion commune ; j’avais prévu de participer à la Conférence du 23 Avril, hélas, mes obligations professionnelles ne me l’ont pas permis. Nous envisageons une prochaine intervention qui nous l’espérons, se déroulera cette fois au château en présence des nouveaux et fort accueillants propriétaires, j’ai nommé la Famille JOUBERT.
Cette dernière m’a offert l’opportunité de voir le piètre état dans lequel se trouve la propriété aujourd’hui. Ce fut un choc sur lequel je ne m’éterniserai pas. Cependant et fort heureusement, après m’avoir exposé leurs projets et laissé voir leurs premiers travaux de rénovation et de remise en état du parc, ils m’ont rendu l’espoir que Nolet va être sauvé et qu’il va retrouver son faste d’antan.
Thierry GONZALEZ